Sarah Schlitz, Ecolo et sans regrets


Dans Dans l'actu On débat
Julien Beauvois

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Dans un système politique «construit par les hommes et pour les hommes», une femme s’est rendue inévitable. Pour le Studiobus, Sarah Schlitz trace à la craie les contours de son parcours. Populaire et polémique, sans jamais craindre le retour de bâton.

Ce mardi matin, Sarah Schlitz fait faux bond. Impossible de la voir l’après-midi, c’est le cortège de la Saint-Torè à Liège, où l’élue Ecolo s’affiche sur les réseaux sociaux. Coup de com’? «Non, c’est vraiment du plaisir! Plein d’étudiants sont venus me parler de politique, c’était chouette de voir cet engouement», se défend-elle.

Cette ambiance d’effervescence, elle la connaît bien. «Liège, c'est chez moi. C'est là où je me sens bien. Je me sens complètement en résonance avec ce que symbolise cette ville : la fronde, la résistance, la contestation, mais aussi ce côté chaleureux, inclusif, accueillant». La petite-fille d’Henri Schlitz, bourgmestre de la Cité ardente dans les années nonante, y étudie la science politique, puis l’urbanisme. Fille de biologistes, elle s’intéresse aux questions environnementales, un «moteur», qu’elle lie avec les inégalités sociales et économiques, puis la protection du patrimoine, la mobilité. C’est donc vers Ecolo qu’elle se tourne. La diplômée gravit rapidement les échelons du cursus honorum politique, depuis les arcanes du parti vert local, jusqu’au poste de Secrétaire d’Etat à l’égalité des chances, des genres et à la diversité, et aujourd’hui candidate à sa réélection à la Chambre.

Saut dans la piscine

Ce n’était pourtant pas son plan A: «Au départ, mon but n'était pas de faire à tout prix une carrière politique au sens partisan. J’aurais aussi pu m’engager dans l’associatif local - je l’ai fait d’ailleurs - ou dans les ONG internationales». En 2012, Sarah Schlitz est élue conseillère communale. Un déclic, et «un grand saut dans la piscine» pour la conseillère politique de 25 ans. Une chance aussi. Sarah Schlitz sait que l’insertion professionnelle est bien plus complexe aujourd’hui pour les jeunes : «Avant, quand on sortait des études, on avait droit à une allocation d’insertion. Maintenant, les conditions d’accès sont tellement restrictives qu’il y a une très forte précarité étudiante. On remet énormément de responsabilité sur les jeunes, on leur dit "l’avenir est entre vos mains", alors qu’on est en train de le bousiller, leur avenir».

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Un style de cogneuse

Depuis les bancs de l’Hôtel de ville, la jeune militante trouve le moyen de traduire ses convictions en actions. Ce siège a lancé sa carrière, et elle l'a réellement savouré. Au point de le récupérer en fin d'année ? En plus des élections fédérales de juin, Sarah Schlitz est aussi candidate aux communales d’octobre. «Je suis en dernière place sur la liste, mais en position éligible quand même». Sur les réseaux sociaux, la trentenaire témoigne de son intérêt constant pour sa ville natale : «Liège doit devenir une ville où toutes les femmes se sentent en sécurité», assène-t-elle sur X (ex-Twitter). Et d’énumérer devant nous les problèmes qu’elle promet savoir régler : l’éclairage public, la santé, la sécurité routière et piétonne… «J’ai évidemment envie de continuer à m’investir à Liège. Mais je n’ai pas de plan déterminé, ce sont les électeurs qui décident !». Et si les électeurs l'élisent au fédéral, pas sûr qu'elle revienne en Cité ardente.

C’est au parlement, puis au gouvernement, que Sarah Schlitz prend la lumière, et développe son style de cogneuse. «Pour moi, c'est indispensable de bousculer pour faire bouger les lignes! De toute façon, quand on est une femme en politique et qu'on est jeune, on ne te considère jamais. On est toujours trop ou trop peu, trop femme, trop jeune, on parle trop fort…». Celle qui ne retient pas ses mots essuie les critiques de toutes parts. Par la N-VA comme par les libéraux. Trop à gauche pour le MR. «Trop féministe» pour Freddy Debarsy (DéFi). Taxée parfois d’opportuniste sur les réseaux sociaux. Comme toujours, Sarah Schlitz a réponse à tout. «Evidemment que la droite ne peut pas m’encadrer! Je mène la bataille culturelle, comme eux, qui vont toujours plus vers la droite. Je suis l’antidote à tout ça.» A gauche, elle joue l’unité et la proximité avec les figures locales, «Fredo» et «Raoul». «Une relation cordiale mais pas amicale, rectifie la tête de liste PS. On n’est pas dans la proximité avec Sarah». Et si des critiques viennent de la gauche (PS ou PTB), ce serait parce que l’ex-secrétaire d'Etat «suscite pas mal de jalousie».

Légitimité populaire

Lorsqu’elle entre au gouvernement De Croo en 2020, elle s’y fait remarquer tant pour sa voix tonitruante et son fort accent liégeois —le seul de la Vivaldi—, que pour sa démission fracassante. En avril 2023, elle cède à la pression du «logogate», scandale lié à l’apposition du logo personnel Sarah Schlitz sur des annonces publiques: une forme de publicité personnelle aux frais du contribuable. A l’époque, elle avait avoué «une maladresse» et s’était faite plus discrète au parlement fédéral. Aujourd’hui, elle avance sans regarder le passé. «Être tête de liste [après le logogate] ça ne me fait pas peur. Le bilan, il est là. C’est ça qui compte et au revoir», assène-t-elle. Celle qui a porté les Ecolo à la quatrième place à Liège en 2019, récoltant 4.610 voix rien qu’en son nom, conserve la confiance des militants. Car ce sont eux qui l’ont désignée tête de liste pour les élections de juin prochain, selon les principes de démocratie interne du parti écologiste. «Le soutien est là et je me sens pleinement légitime pour poursuivre». Quitte à prendre de nouveau des responsabilités fédérales? «Bien sûr». Sans hésitation.

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