Voter blanc ou voter Blanco


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Emma Puma

Vote

Bien que le vote soit toujours obligatoire en Belgique – sauf pour les élections communales et provinciales flamandes –, le taux d’abstention et les votes blancs ne cessent d’augmenter. Un phénomène dont le parti Blanco a décidé de s’emparer.

L’abstention désigne le fait ne pas voter lors d’un scrutin malgré une inscription sur la liste des électeurs. Lors des élections de 2019, un votant sur huit ne s’est pas rendu aux urnes. Des sanctions sont prévues par le code électoral belge pour les abstentionnistes, mais elles ne sont désormais plus appliquées.

Déterminants à la participation électorale

L’abstention est à différencier du vote blanc ou nul. Le vote blanc signifie que l’électeur s’est rendu au bureau de vote et a déposé un bulletin vierge dans l’urne. Il n'est ainsi en faveur d'aucune liste ou candidat. Le vote est en revanche «nul» si l'électeur a voté pour plusieurs listes différentes ou si le bulletin est abîmé, illisible ou qu'un commentaire a été laissé dessus. 

Les votes blancs et nuls ont toutefois un point commun : ils ne sont pas pris en compte lors de la répartition des sièges entre les partis. Cela signifie que, contrairement à la croyance populaire, ces votes ne vont pas à la majorité. Aux élections fédérales de 2019, ils représentaient un bulletin sur seize.

La répartition des sièges à la Chambre des représentants

Répartition des sièges

Calculons la part de votes non-pris en compte lors de l’élection de la Chambre des représentants en 2019 : 

Calcul

Ces «votes» n’influencent pas la répartition des sièges. Manque de représentation des électeurs? C’est en tout cas ce que pense le parti Blanco, qui se présentera dans les onze circonscriptions le 9 juin prochain. L’unique point du programme : modifier le code électoral et réviser la Constitution pour que les électeurs puissent voter pour un siège non-attribué à la Chambre. Ainsi, les citoyens qui n’ont voté pour aucun des partis en lice seraient représentés par des sièges vides.

Blanco, un pari fou ?

Le parti l’assure : si ses représentants sont élus, ils s’abstiendront lors de tous les votes – sauf ceux concernant leur unique projet. Ne pas respecter cette promesse reste toutefois possible. Si une révision de la Constitution est nécessaire, il est important de rappeler la lourdeur qu'un amendement représente :

Révision de la constitution

Il est loin d’être certain, à l’heure actuelle, que les partis traditionnels suivront Blanco dans la révision de la Constitution – ou même dans la modification des lois électorales.

Fauteuils vacants

Si toutefois le parti Blanco parvenait à mener son projet à bien, un problème pourrait survenir : certains votes nécessitent une majorité renforcée, comme les lois spéciales, par exemple, qui portent principalement sur les compétences et l’organisation des régions et des communautés.  

Pour qu’une loi spéciale soit adoptée, il est nécessaire, entre autres, d’obtenir la majorité des deux tiers à la Chambre. Si les 150 sièges sont occupés par des députés, et si les 150 députés sont présents lors du vote, il faut 100 députés favorables à la loi sur les 150 députés au total pour obtenir la majorité des deux tiers. Si seulement 120 sièges sont occupés, les 30 autres étant vides (car non-attribués), la majorité des deux-tiers requiert dès lors 100 députés favorables à la loi sur les 120 députés au total. Plus le nombre de sièges vides est important, plus il faut convaincre de députés pour adopter la loi.

Ce scénario risquerait d’induire un certain «immobilisme» chez les députés, qui ne pourront plus aussi facilement adopter de telles lois. Cela pourrait aussi – et c’est ce qu’escompte le parti Blanco – pousser les partis traditionnels à réinvestir le champ politique et à reconquérir les électeurs qui voteraient pour ces sièges vides, faute de mieux.

Blanco espère être élu dans au moins une des circonscriptions. Sur les réseaux sociaux, le parti ne jouit cependant que d’une faible popularité – 2313 abonnés sur X, 562 sur Facebook et 128 sur Instagram. Lors d’une rencontre organisée fin mars par les têtes de liste liégeoises, seules trois personnes étaient présentes. Le projet citoyen semble mal embarqué. Créera-t-il la surprise le 9 juin prochain ?

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